Francés e patoès
Introduction
Lauréa, occitanophone de naissance, ne fut pas trop perdue quand elle arriva à l'école car elle avait des sœurs aînées qui lui avaient appris quelques notions de français, mais ce n'était pas le cas dans toutes les familles…
A l'école, les enfants étaient punis quand ils parlaient leur langue maternelle, l'occitan. On leur suspendait un sabot autour du cou pour les humilier. L'autre méthode très efficace était celle du sinhal. Quand un enfant parlait occitan, le maître lui donnait un objet en bois appelé sinhal. Celui qui détenait le sinhal en fin de journée était puni. Pour se débarrasser de cet objet, les écoliers devaient dénoncer l'un de leur camarade qui s'était exprimé dans la langue interdite.
Les termes pairin et mairina désignent les grands-parents. Ceux de Lauréa n'étaient pas du tout francophones. C'est la génération de ses parents qui commença à l'être et, progressivement, sur trois ou quatre générations, le territoire perdit sa langue occitane.
Vidéo
Lauréa ROSSIGNOL
née Roques en 1922 à Font-Rosal de La Rouquette.
Transcription
Occitan
Français
Nòstres parents parlavan patoès tot lo temps. Ieu, mon pairin auriá pas po(g)ut lor parlar en francés. Lo paure òme sabiá pas escriure tanpauc. Ma sòrre l'ainada anava gardar ambe lo pepè e, sus una pèira, li apreniá a escriure los chifres, los nombres, tot. Amb una pèira plata, sabètz que dins lo causse… Alèra l'ainada fasiá la regenta, fasiá las leiçons al pepè. »
« Oui, parce que, moi, j'étais la troisième des filles et mes sœurs parlaient français pour étudier à la maison aussi. Elles me faisaient même étudier l'alphabet pour leur plaisir, elles, pour le plaisir d'être mes maîtresses, bien sûr. Cela fait que je ne fus pas embêtée pour la langue mais j'en voyais à côté de moi et d'autres qui commencèrent après moi, là, l'année d'après, qui souffraient drôlement et dont nous ne comprenions pas un mot, même nous. Ils voulaient parler français, ils ne le parlaient pas bien du tout, et le patois, je ne sais pas comment ils s'arrangeaient, nous ne les comprenions pas.
Nos parents parlaient patois tout le temps. Moi, mon grand-père n'aurait pas pu leur parler en français. Le pauvre homme ne savait pas écrire non plus. Ma sœur aînée allait garder les bêtes avec le pépé et, sur une pierre, elle lui apprenait à écrire les chiffres, les nombres, tout. Avec une pierre plate, vous savez que dans le causse… Alors l'aînée faisait la maîtresse, elle donnait des leçons au pépé. »